Le cadre juridique européen de la tarification de l’infrastructure ferroviaire

Le principe de tarification au coût directement imputable

La directive 2012/34/UE, dite « Recast », pose le principe de base de la tarification au « coût directement imputable » : « […] les redevances perçues pour l’ensemble des prestations minimales et pour l’accès à l’infrastructure reliant les installations de service sont égales au coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire. Avant le 16 juin 2015, la Commission adopte des mesures présentant les modalités de calcul du coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire.» (art.31.3).

Conformément à l’article 31.3, la Commission européenne a adopté le 12 juin 2015 un acte d’exécution concernant les modalités de calcul du coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire. Cet acte prévoit que le gestionnaire d’infrastructure peut utiliser deux méthodologies pour calculer le coût direct unitaire imputable à l’exploitation du service ferroviaire.

La première méthode, précisée à l’article 3, paragraphe 1, consiste à calculer « […] les coûts directs à l’échelle du réseau […] en faisant la différence entre, d’une part, les coûts relatifs à la fourniture des services relevant de l’ensemble des prestations minimales et à l’accès à l’infrastructure reliant les installations de service et, d’autre part, les coûts non éligibles visés à l’article 4 ». Ensuite, l’article 5 paragraphe 1 prévoit que « le gestionnaire de l’infrastructure calcule les coûts directs unitaires moyens pour l’ensemble du réseau en divisant les coûts directs à l’échelle du réseau par le nombre total de véhicules-km, de trains-km ou de tonnes brutes-km prévu ou effectivement assuré ».

La deuxième méthode, qui est exposée dans l’article 6, paragraphe 1, dispose que, par dérogation à la méthode précisée à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 5, paragraphe 1, « le gestionnaire de l’infrastructure peut calculer les coûts directs unitaires au moyen d’une modélisation économétrique ou d’ingénieur rigoureusement étayée, pour autant qu’il puisse démontrer à l’organisme de contrôle que les coûts directs unitaires comprennent uniquement les coûts directs imputables à l’exploitation du service ferroviaire et, surtout, ne comprennent aucun des coûts visés à l’article 4 » […].

En outre, l’article 8 du règlement d’exécution prévoit que « le gestionnaire d’infrastructure met régulièrement à jour la méthode de calcul de ses coûts directs en tenant compte, entre autres, des meilleures pratique internationales ».

Par ailleurs, selon l’article 31.4 de la directive, les redevances de base peuvent, recouvrir les coûts liés à la rareté des capacités offertes par le gestionnaire d’infrastructure. La directive pose en effet qu’« [elles] peuvent inclure une redevance au titre de la rareté des capacités de la section identifiable de l’infrastructure pendant les périodes de saturation ».

Les exceptions au principe de tarification au coût directement imputable

Il existe deux exceptions à ces principes de tarification au coût directement imputable posés par le droit communautaire. La première exception, posée dans l’article 32.1 de la directive, prévoit que des majorations au-delà du coût directement imputable peuvent être appliquées à condition que le marché s’y prête :

« [u]n État membre peut, afin de procéder au recouvrement total des coûts encourus par le gestionnaire de l’infrastructure et si le marché s’y prête, percevoir des majorations sur la base de principes efficaces, transparents et non discriminatoires, tout en garantissant une compétitivité optimale des segments du marché ferroviaire. Le système de tarification respecte les gains de productivité réalisés par les entreprises ferroviaires. Le niveau des redevances n’exclut cependant pas l’utilisation des infrastructures par des segments de marché qui peuvent au moins acquitter le coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire, plus un taux de rentabilité si le marché s’y prête. ».

SNCF Réseau peut donc majorer les redevances fixées au niveau du coût directement imputable afin de recouvrer totalement les coûts qu’il encourt, à condition toutefois que les entreprises ferroviaires puissent supporter ces majorations. La perception de ces majorations est ainsi soumise à un examen préalable de soutenabilité sur le segment de marché concerné.

La deuxième exception, précisée à l’article 32.3, prévoit que « pour des projets futurs d’investissement spécifiques ou des projets d’investissement spécifiques qui ont été achevés après 1988, le gestionnaire de l’infrastructure peut fixer ou maintenir des redevances plus élevées fondées sur le coût à long terme de tels projets, pour autant qu’il s’agisse de projets améliorant le rendement et/ou la rentabilité et qui, dans le cas contraire, ne pourraient pas ou n’auraient pas pu être mis en œuvre. De tels arrangements en matière de tarification peuvent également comporter des accords sur le partage des risques liés à de nouveaux investissements. »

SNCF Réseau peut donc majorer les redevances au-delà du coût directement imputable afin de recouvrir le coût à long terme des projets d’investissement spécifiques, à condition que certains critères soient remplis.

Ces principes tarifaires européens ont fait l’objet d’une transposition en droit français dans le décret du 7 mars 2003 relatif à l’utilisation du réseau ferroviaire en France. Ce décret a notamment été modifié par le décret du 20 août 2015 pour transposer les principes tarifaires posés par la directive 2012/34/UE.

Par ailleurs, l’architecture de la tarification des prestations minimales en France est définie par le décret n° 97-446 du 5 mai 1997 relatif aux redevances d’utilisation du réseau ferré national perçues au profit de SNCF Réseau.

Sur la transparence et la non-discrimination des tarifs d’accès au réseau

La directive 2012/34/UE vise à assurer la transparence et un accès non discriminatoire aux infrastructures ferroviaires pour toutes les entreprises ferroviaires.

En particulier, l’article 29.3 prévoit que « le gestionnaire de l’infrastructure s’assure que le système de tarification est appliqué de telle manière que les différentes entreprises ferroviaires effectuant les prestations de service de nature équivalente sur une partie similaire du marché soient soumises à des redevances équivalentes et non-discriminatoires et que les redevances effectivement appliquées soient conformes aux règles définies dans le document de référence du réseau ».

L’article 32.5 dispose que « afin d’empêcher la discrimination, les Etats membres font en sorte que les redevances moyenne et marginale d’un gestionnaire de l’infrastructure donné soient comparables pour une utilisation équivalente de son infrastructure et que des services comparables fournis dans le même segment de marché soient soumis aux mêmes redevances. […] »

L’article 56.2 précise que « […] l’organisme de contrôle […] vérifie notamment si le document de référence du réseau contient des clauses discriminatoires ou octroie au gestionnaire de l’infrastructure des pouvoirs discrétionnaires pouvant être utilisés à des fins de discrimination à l’égard des candidats ».