Économie générale des concessions d’autoroutes : l’ART publie deux focus sur la rentabilité des concessions et les transferts de risques dans les contrats appelant à une évolution du modèle

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Paris, le 6 juillet – Dans le prolongement de son second rapport sur l’économie générale des concessions d’autoroutes, l’Autorité de régulation des transports (ART) publie, ce jour, deux focus, le premier portant sur la rentabilité des concessions historiques, le second sur les transferts de risques dans les contrats. Le premier focus présente notamment, pour les sept principales sociétés concessionnaires d’autoroutes, la dernière estimation du taux de rentabilité interne des concessions (TRI « projet ») calculé par l’ART, qui correspond à la rémunération des capitaux engagés par l’ensemble des pourvoyeurs de fonds (actionnaires comme créanciers) sur toute la durée des contrats. Le TRI « projet » agrégé des sept concessions historiques privées tel qu’il est évalué par l’ART à l’année 2022 s’établit à 8 %, supérieur d’un point de pourcentage aux attentes du marché (7 %), mais cohérent avec les aléas normaux d’une concession d’autoroute. Le second focus présente les enjeux liés au partage de risques dans les contrats et des moyens de l’optimiser pour limiter les effets d’aubaine. Dans les deux focus, l’ART propose des corrections au modèle concessif pour éviter que le péage ne couvre plus que les coûts du concessionnaire.

LORSQU’ELLE MESURE LA RENTABILITÉ DES CONCESSIONS, L’ART S’INTÉRESSE À LA RÉMUNÉRATION DU CAPITAL PRISE EN COMPTE DANS LE CALCUL DES PÉAGES

Étudier la rentabilité d’un contrat de concession, c’est mesurer la part du péage qui rémunère le capital (compris comme l’ensemble des fonds apportés par les actionnaires et les prêteurs) investi dans l’infrastructure autoroutière sur toute la durée de la concession. L’exercice passe par le calcul d’un taux de rentabilité interne projet (TRI « projet »), qui mesure le rendement annuel moyen de l’investissement sur toute la durée du contrat. Il permet d’apprécier dans quelle mesure les recettes des péages perçues sur toute la durée de la concession permettent de couvrir les coûts, y compris une juste rémunération des capitaux investis.

L’analyse de la rentabilité des contrats de concession ne permet pas de porter une appréciation sur les conditions de la privatisation et ce n’est pas son objet. La privatisation n’a en effet eu aucun impact sur les péages : l’évolution annuelle des tarifs de péage dépend essentiellement de la loi tarifaire prévue par les contrats.

LA RENTABILITÉ DES CONCESSIONS S’ÉTABLIT À UN NIVEAU SUPÉRIEUR AUX ATTENTES DU MARCHÉ, MAIS COHÉRENT AVEC LES ALÉAS NORMAUX D’UNE CONCESSION

Le TRI mesuré par l’ART est de 8,0 % pour les sept principales sociétés concessionnaires historiques.

Cette rémunération est supérieure aux attentes moyennes du marché. Sur la durée qui s’étend de l’origine des concessions autoroutières historiques à nos jours et pour un investissement de ce type, ces attentes sont de l’ordre de 7 %. Cela signifie qu’à l’échéance des contrats concernés, les recettes qui auront été perçues sur l’ensemble de la durée desdits contrats dépasseront très probablement les coûts engagés sur la même durée, y compris en prenant en compte une juste rémunération des capitaux investis.

Néanmoins, cette prévision ne suffit pas à établir l’existence d’une rentabilité manifestement excessive, cet écart s’inscrivant dans les bornes des variations pouvant résulter des aléas normaux de la concession. L’activité d’un concessionnaire d’autoroutes est soumise à de nombreuses incertitudes sur ses coûts et ses recettes. Or les aléas peuvent jouer à la hausse ou à la baisse sur la rentabilité : c’est le principe même d’un contrat de concession que de les faire supporter par le concessionnaire. Les analyses de l’ART montrent que, compte tenu des risques transférés et de la durée des concessions autoroutières, un écart d’un point de pourcentage sur le TRI de la concession ne peut être considéré comme manifestement excessif.

Il est en effet difficile de statuer sur les raisons d’une rentabilité supérieure à ce qui était anticipé : ces raisons pouvant résulter d’aléas favorables au concessionnaire ou des conditions de négociation et d’application des contrats et de leurs avenants.

UN MEILLEUR ENCADREMENT DE LA RENTABILITÉ EST NÉCESSAIRE

Les analyses qui précèdent n’épuisent pas le débat sur la rentabilité des concessions, dès lors que le niveau élevé de rentabilité constaté peut résulter, comme l’ART l’a documenté, d’imperfections du modèle concessif auxquelles des solutions concrètes peuvent remédier.

Du point de vue de sa régulation, le modèle concessif reste en effet perfectible : les négociations de gré à gré des avenants pour la réalisation de nouvelles infrastructures sont souvent avantageuses pour le concessionnaire ; la rédaction de certaines clauses des contrats a permis à ces derniers de bénéficier d’effets d’aubaine ; certains investissements ont été doublement compensés.

Faire évoluer la régulation économique globale du secteur autoroutier est donc une nécessité pour mieux encadrer la rentabilité des concessions. Une gestion plus serrée des contrats et un encadrement renforcé de la négociation des avenants entre concessionnaire et concédant seraient un premier pas en ce sens. À moyen terme et dans l’éventualité d’un renouvellement des concessions, leur encadrement pourrait être renforcé, en préférant des contrats plus courts et en repensant le cadre régulatoire applicable aux avenants.

UN PARTAGE DE RISQUES OPTIMISÉ DOIT PERMETTRE DE LIMITER LES EFFETS D’AUBAINE

Les clauses de « partage des risques » doivent être utilisées à bon escient et calibrées avec soin. Si le transfert de risques peut être bénéfique pour les usagers, en limitant les fluctuations de tarifs de péage et en incitant le concessionnaire à l’efficacité pour les risques qu’il maîtrise, il peut en revanche s’avérer coûteux lors d’une modification contractuelle opérée de gré à gré. Ainsi, dans le cadre spécifique de la négociation d’avenants, un moindre transfert de risques, par le recours à des clauses de « partages de risques », serait pertinent pour minimiser les rentes de situation des concessionnaires.

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