L’Autorité adopte son avis sur le projet de contrat de performance 2021-2030 entre l’État et SNCF Réseau

Contrat de performance Etat-SNCF Réseau
Actualité publiée le 9 février 2022

L’Autorité a adopté, mardi 8 février 2022, son avis sur le projet de contrat de performance 2021‑2030 entre l’État et SNCF Réseau, dont elle avait été saisie le 8 octobre dernier. Si le principe d’un assainissement de la situation financière du gestionnaire d’infrastructure ne fait pas débat après la reprise, par l’État, de 35 milliards d’euros de dette, l’Autorité estime indispensable que la prochaine actualisation du contrat, prévue pour 2024, permette enfin, d’une part, de définir une vision-cible pour le réseau et une véritable trajectoire industrielle pour le gestionnaire d’infrastructure, et d’autre part, de s’interroger sur les moyens mis à disposition de ce dernier pour assurer la pérennité de son outil industriel. Dans le cas contraire, le risque est d’entraîner SNCF Réseau dans une spirale de paupérisation industrielle où le sous-investissement conduirait à une dégradation du réseau, qui entraînerait à son tour une attrition du trafic et des ressources du gestionnaire d’infrastructure.

APRÈS UN CONTRAT DE PERFORMANCE 2017-2026 RENDU CADUC PAR LE NOUVEAU PACTE FERROVIAIRE, LE PROJET DE CONTRAT DE PERFORMANCE ENTRE L’ÉTAT ET SNCF RÉSEAU POUR LA PÉRIODE 2021-2030 ÉTAIT PORTEUR DE FORTES ATTENTES

L’Autorité de régulation des transports a été saisie le 8 octobre 2021 du projet de contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau pour la période 2021-2030. D’une durée de 10 ans, ce contrat a été prévu par la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire afin de traduire les priorités de l’État pour la gestion et le développement du réseau et de matérialiser les objectifs de productivité, de qualité et de sécurité de SNCF Réseau, dans le respect d’une trajectoire financière visant à enrayer la spirale d’endettement du système ferroviaire.

Le précédent contrat de performance, qui couvrait la période 2017-2026, avait été rendu caduc par le nouveau pacte ferroviaire de 2018, qui en avait bouleversé les grands équilibres financiers. Il avait par ailleurs fait l’objet d’une analyse particulièrement critique de l’Autorité en 2017, qui avait constaté qu’il « échouait, sur le fond comme sur la méthode, à remplir les objectifs du législateur ».

À la demande de la ministre chargée des transports, l’Autorité avait formulé, en 2019, 29 recommandations sur le contenu du contrat de performance en vue de son actualisation [1]. Ces recommandations invitaient l’État et SNCF Réseau à faire du contrat de performance, d’une part, l’instrument principal du dispositif d’incitation à l’efficacité du gestionnaire d’infrastructure, d’autre part, l’outil privilégié de la programmation pluriannuelle du réseau ferré, en y élaborant une vision-cible partagée avec le secteur, à laquelle les trajectoires financières s’articuleraient.

L’Autorité regrette que ces recommandations n’aient été que marginalement prises en compte par l’État et SNCF Réseau dans le cadre de l’élaboration du projet de contrat qui lui a été soumis, alors qu’elles devaient, conformément à l’objectif fixé par le législateur, contribuer à ce que les orientations retenues en matière de gestion de l’infrastructure concourent au bon fonctionnement du système de transport ferroviaire.

LE PROJET DE CONTRAT FAIT L’IMPASSE SUR LA DÉFINITION D’UNE VISION-CIBLE DU RÉSEAU ET PRÉVOIT UN EFFORT DE RENOUVELLEMENT ET DE MODERNISATION INSUFFISANT, AU RISQUE D’ENTRAINER SNCF RESEAU DANS UNE SPIRALE DE PAUPÉRISATION INDUSTRIELLE

Si l’assainissement de la structure financière de SNCF Réseau, sur lequel est centré le projet de contrat de performance, est essentiel pour permettre le bon fonctionnement du système ferroviaire, il ne suffit pas pour piloter la performance d’un gestionnaire d’infrastructure, à plus forte raison à un horizon décennal.

De ce point de vue, l’Autorité regrette que le projet de contrat ne propose pas de vision cible pour la consistance du réseau à horizon 2030, articulée avec les trajectoires financières, mais aussi industrielles du gestionnaire d’infrastructure.

Elle déplore également que le retour à l’équilibre financier de court terme conduise à limiter :

  • d’une part, les efforts de renouvellement et de modernisation de l’infrastructure: de fait, sur la période 2021-2030, il manquera plus de 4 Md€ d’investissements par rapport à la trajectoire de renouvellement du réseau préconisée par le dernier audit en date, publié en mars 2018. Cette stagnation de l’effort d’entretien et de renouvellement du réseau contraste avec les choix politiques forts mis en œuvre, au même moment, dans d’autres pays européens, comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne ;
  • d’autre part, l’effort financier en matière de modernisation du réseau, qui s’avère nettement insuffisant et incohérent avec les ambitions affichées pour le mode ferroviaire (doublement de la part modale du fret et du nombre de voyageurs), notamment en ce qui concerne le déploiement de la commande centralisée du réseau et du système européen de gestion du trafic, l’ERTMS.

Or les retards pris en matière de renouvellement et de modernisation du réseau génèreront des surcoûts à l’avenir et risquent d’enclencher une spirale de paupérisation, où le sous-investissement conduit à une dégradation du réseau, entraînant à son tour une attrition du trafic et des ressources du gestionnaire d’infrastructure.

LES RESSOURCES FINANCIÈRES DE SNCF RESEAU, QUI REPOSENT NOTAMMENT SUR D’IMPORTANTES HAUSSES DE PÉAGES, PRÉSENTENT DE FORTES INCERTITUDES, FAISANT PESER UN RISQUE SUR LE RESPECT MÊME DES TRAJECTOIRES D’INVESTISSEMENTS

Le projet de contrat maintient le choix politique d’une logique de financement du système ferroviaire, à titre principal, par ses utilisateurs, en prévoyant une croissance importante du produit des péages, marquée par de fortes incertitudes. Cette croissance (plus de 50 % sur la durée du contrat) est portée par deux effets dont la contribution est équivalente : d’un côté, une hausse volontariste des trafics, alors que ceux-ci diminuaient sur la période 2011-2017 ; de l’autre, des trajectoires de péages dynamiques, dans la continuité du nouveau pacte ferroviaire.

Alors que la hausse volontariste des trafics constitue une rupture par rapport à la période précédente, ces trajectoires de péages ne sont en effet accompagnées d’aucun engagement clair et explicite de SNCF Réseau à conduire une refonte de la structure des tarifs des péages ferroviaire pour en garantir la soutenabilité pour le marché aval.

LE PROJET DE CONTRAT N’INCITE PAS SUFFISAMMENT LE GESTIONNAIRE D’INFRASTRUCTURE A LA PERFORMANCE INDUSTRIELLE

La gestion efficace de l’infrastructure ferroviaire par SNCF Réseau est la condition sine qua non de la compétitivité du transport ferroviaire par rapport aux autres modes de déplacement, et, partant, du développement de ce mode.

En l’état, le projet de contrat ne parvient pas à être un outil de régulation incitative à la performance du gestionnaire d’infrastructure. Il pâtit en effet :

  • d’une part, de la fixation de cibles de productivité en valeur uniquement, alors que SNCF Réseau devrait être incité à maîtriser ses coûts pour un niveau donné de réalisations industrielles ;
  • d’autre part, de l’absence de mécanismes incitatifs associés aux indicateurs de suivi, qui conduit à s’interroger sur l’effectivité des objectifs et des trajectoires.

CES CONSTATS APPELLENT PLUSIEURS POINTS DE VIGILANCE ET RECOMMANDATIONS DE LA PART DE L’AUTORITÉ, VISANT A ASSURER LE BON FONCTIONNEMENT, SUR LA DURÉE, DU SYSTÈME FERROVIAIRE FRANÇAIS.

À court terme, deux éléments apparaissent incontournables pour introduire une réelle incitation à la performance de SNCF Réseau, assurer la réalisation des trajectoires financières du projet de contrat et permettre ainsi un véritable assainissement financier sur le long terme :

  • d’une part, SNCF Réseau doit s’engager à revoir la structure des péages pour le prochain cycle tarifaire 2024-2026, afin d’assurer la soutenabilité, pour le marché aval, des trajectoires de péage prévues par le projet de contrat et permettre un usage efficace du réseau, conformément au droit européen ;
  • d’autre part, des mécanismes réellement incitatifs à la performance industrielle – d’ordre réputationnel et/ou financier – doivent être introduits, conformément au droit européen.

À moyen terme, il est essentiel que la prochaine actualisation du contrat, théoriquement prévue en 2024, permette de définir une vision-cible pour le réseau et une véritable trajectoire industrielle pour le gestionnaire d’infrastructure et de s’interroger sur les moyens mis à la disposition de SNCF Réseau pour assurer la pérennité de son outil industriel. De ce point de vue, une programmation pluriannuelle détaillée des investissements, accompagnée d’un dispositif de suivi, pourrait utilement être annexée, à l’avenir, au contrat de performance et à ses actualisations.

[1] Décision n° 2019-039 du 20 juin 2019 relative aux recommandations formulées dans le cadre de l’actualisation du contrat pluriannuel de performance conclu entre l’Etat et SNCF Réseau pour la période 2020-2029.

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