Thello : le Conseil d’Etat valide l’analyse de l’Araf

Fin 2013, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur avait contesté devant le Conseil d’Etat l’avis de l’Araf qui estimait que la liaison envisagée par la compagnie ferroviaire Thello entre Milan, Gênes, Monaco, Nice et Marseille ne portait pas atteinte à l’équilibre économique des TER, contrat de service public entre la région et la SNCF.

 

Le 30 janvier 2015, la haute juridiction administrative a rejeté le recours de la région. Cette décision revient en détail sur la réglementation européenne et nationale qui encadre l’ouverture du marché international de voyageurs avec cabotage (dessertes intérieures dans le cadre d’un trajet international) par deux tests :

  • un test obligatoire sur l’objet principal du service : il vérifie que l’objectif est bien de réaliser une desserte internationale, le trajet sur le territoire national devant rester accessoire ;
  • un test facultatif d’équilibre économique : il permet de vérifier si l’autorisation de cabotage ne remet pas en cause l’équilibre économique des contrats de service public potentiellement touchés par le cabotage.

L’Araf a mis en place la procédure, la méthodologie et les critères pour réaliser les deux tests dans sa décision du 27 février 2013.

Le premier test sur l’objet principal du service a été effectué dans l’avis du 9 juillet 2013 : l’Autorité a estimé que le service ferroviaire Thello avait un caractère international.

Le second test de cabotage a été rendu dans l’avis du 8 octobre 2013 : l’Autorité a estimé que le nouveau service Thello ne déséquilibrait pas le contrat de service public de la région Paca. Le régulateur a défini sa méthodologie fondée à la fois sur une analyse critique des données fournies par les parties prenantes (prévisions de trafic et de chiffre d’affaires), et sur une analyse économique globale.

Par un arrêté du 12 décembre 2013, le ministre en charge des transports a donc accordé à Thello le droit d’exploiter, à partir de l’horaire de service 2014, une liaison internationale comportant la desserte intérieure des gares situées entre Marseille et Menton (la ligne a été inaugurée le 14 décembre dernier).

Une liaison internationale
La région reprochait à l’Autorité de ne pas avoir indiqué dans l’avis relatif au test d’équilibre économique en quoi l’offre de Thello constituait un service de transport international. Le grief a été écarté, la décision du Conseil d’Etat rappelant que « l’Autorité s’est prononcée sur le caractère international du service envisagé par l’entreprise ferroviaire Thello par son avis du 9 juillet 2013 » et, dès lors, qu’elle « n’avait pas à se prononcer à nouveau sur le caractère international du service».

 

Atteinte à l’équilibre économique du contrat de service public
Le Conseil d’Etat a analysé la façon dont l’Autorité avait motivé son avis (coûts à moyen et long termes, bénéfices potentiels d’un nouveau service ferroviaire). Il en conclut que « l’avis expose de façon suffisamment précise les considérations de droit et de fait qui ont conduit l’Autorité à estimer que le projet de service de la société Thello n’était pas de nature à porter atteinte à l’équilibre économique du contrat de service public conclu entre la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et la SNCF ».

En particulier, le Conseil d’Etat souligne que l’Autorité a bien évalué la substituabilité des services et juge que « compte tenu des tarifs proposés par l’entreprise Thello, significativement plus élevés que le plein tarif des offres de la SNCF, l’Araf a pu à bon droit estimer que ceux-ci n’inciteront pas les voyageurs à se reporter sur le nouveau service car les prix de détail de Thello sont beaucoup plus chers (+50%) ». La Haute juridiction administrative suit sur ce point les recommandations du rapporteur public qui valide la méthodologie de segmentation adoptée par l’Autorité et partage sa conclusion de projection d’impact minime (-0,15% sur la recette globale annuelle).

 

Secret des affaires
Dans son avis, l’Araf avait occulté des éléments chiffrés afin de protéger le secret des affaires, sans lequel le régulateur ne pourrait conduire ses missions pour régler des différends. Le Conseil d’Etat a estimé que l’Autorité pouvait légitimement protéger les données commercialement sensibles du nouvel entrant.

La décision confirme également le périmètre d’analyse retenu par l’Autorité. En effet, le test d’équilibre économique ne portait pas sur les trafics relatifs aux voyageurs en provenance ou à destination des gares de Monaco et Vintimille. Le Conseil d’Etat estime que l’Autorité n’avait pas à inclure ces deux gares dans le champ de son analyse puisque les gares de Monaco et Vintimille sont situées hors du territoire français et ne peuvent pas être regardées comme une desserte intérieure au sens des dispositions du droit national.

Cette décision confirme le bien-fondé juridique et économique de l’analyse de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires chargée de concourir au suivi et au bon fonctionnement du service public et des activités concurrentielles.

Par Nina Danielowitzova, chargée de mission à la Direction des affaires juridiques,responsable des affaires européennes