L’histoire que nous vous racontons n’aurait jamais dû sortir des archives de l’imposante codification française. Et pourtant, elle nous paraît illustrer par l’absurde l’hystérisation des pouvoirs décisionnels. Quand tout devient politiquement sensible…
En ce début d’année 2017, le Conseil d’Etat examine la banale abrogation d’un décret de 2010, suite au passage de l’essentiel de son contenu dans le Code des transports. Problème: dans ce décret subsiste une phrase relative à la localisation du siège de l’Arafer au Mans. Qu’en faire ? Est-elle toujours légale ? Après tout, on peut considérer que le collège du régulateur a désormais toute compétence pour décider de la localisation de son siège, depuis le vote de la loi Macron qui l’a autorisé à transférer ses services d’instruction à Paris. Il ne reste plus dans la capitale de la rillette qu’une dizaine de personnes (fonctions support et greffe), sur les 70 employés de l’Arafer.
Devant le dilemme, la Section du Conseil d’Etat a donc voté. Résultat: elle disjoint, c’est-à-dire qu’elle considère que le gouvernement ne peut pas conserver cette disposition réglementaire. Fin de l’histoire? Le droit va-t-il s’aligner sur la réalité, à savoir qu’on supprime l’obligation de localisation du siège au Mans? L’Etat va-t-il suivre ?
Principe de précaution maximal : ne pas risquer une polémique avec les Sarthois…
C’est là que tout dérape, et que cette peccadille grossit, grossit… Si Bercy s’en désintéresse, les Transports saisissent Matignon: et si Boulard, le maire du Mans, ou Le Foll, probable futur candidat aux législatives dans la quatrième circonscription, ou même Fillon, à l’origine de la délocalisation au Mans en 2010, s’émouvaient de cette formalisation et en faisaient quelque chose comme le symbole d’une lutte pour l’emploi en province contre le parisianisme centralisateur, voire même, pour le candidat de la droite à la présidentielle, une petite vengeance de l’exécutif socialiste? C’est le moment de préciser qu’il n’est même pas envisagé de rapatrier les dix salariés à Paris, qui doivent simplement quitter fin mars les vastes locaux du boulevard Demorieux pour 300 mètres carrés à proximité de la gare du Mans. Il s’agit juste d’un nettoyage juridique…
Alors, on laisse passer ou on bloque? A Matignon, le principe de précaution maximal prévaut. On va donc bloquer… Bernard Cazeneuve arbitre dans le sens de ses conseillers: surtout pas de risque de vague à trois mois de l’élection présidentielle!
Résultat: le décret de 2010 est abrogé, et la localisation du siège de l’Arafer est intégrée, par décret du 31 janvier, au Code des Transports ! Citons la phrase dans son intégralité: «Article D1261-5-2: le siège de l’autorité de régulation des activités ferroviaires est fixé au Mans (Sarthe)».
Fin de l’histoire. Quand tout est sensible, plus rien ne l’est…
Source : Mobilettre