Le détail des propositions de loi relatives aux AAI et API, définitivement adoptées

16 janvier 2017

La proposition de loi ordinaire comporte deux innovations majeures. D’une part, elle établit, en annexe, une liste des autorités administratives et publiques indépendantes. Jusque-là, estimées à 41, selon le recensement réalisé par Légifrance, leur nombre a été réduit à 26.

L’article 1 de la proposition de loi organique précise en parallèle que « toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante est instituée par la loi ».
Dans le détail, sont énumérées 19 autorités administratives indépendantes :
L’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (Acnusa) ;
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) ;
L’Autorité de la concurrence ;
L’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) ;
L’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) ;
L’Autorité des marchés financiers (AMF) ;
L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ;
Le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) ;
La Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) ;
La Commission du secret de la défense nationale (CSDN) ;
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) ;
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) ;
La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) ;
La Commission nationale du débat public (CNDP) ;
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) ;
La Commission de régulation de l’énergie (CRE) ;
Le Défenseur des droits (DDD) ;
Le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) ;
La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
S’y ajoutent 7 autorités publiques indépendantes (dotées, à la différence des premières, de la personnalité morale distincte de l’Etat) :
L’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) ;
L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) ;
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ;
La Haute Autorité de santé (Has) ;
La Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) ;
Le Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C) ;
Le Médiateur national de l’énergie.

Quinze autorités disparaissent ainsi par rapport à la liste établie par Légifrance : l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), le Bureau central de tarification (BCT), le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), la Commission centrale permanente compétente en matière de bénéfices agricoles, la Commission des infractions fiscales, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l’élection du président de la République, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), la Commission nationale d’aménagement commercial (CNA Commercial), la Commission nationale d’aménagement cinématographique (CNA cinématographique), la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), la Commission des participations et des transferts, la Commission de la sécurité des consommateurs (CSC), la Commission des sondages, le Conseil supérieur de l’Agence France-Presse et le Médiateur du Cinéma.

D’autre part, la proposition de loi ordinaire définit un statut général pour ces 26 autorités administratives et publiques indépendantes. Ce tronc commun de règles est applicable aux membres des collèges et, lorsqu’elles existent, des commissions de ces autorités sont investies d’un pouvoir de sanctions.

Trois autorités y font exception dans la mesure où elles ne sont constituées que par une seule personne : le Défenseur des droits, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et le Médiateur national de l’énergie. Les dispositions relatives au président d’une AAI s’appliquent toutefois à ces trois personnes, qui sont en outre chargées d’établir le règlement intérieur de l’institution ; il incombe en outre au Médiateur de l’énergie d’établir le budget de l’API sur proposition du directeur général. Le titre III de la proposition de loi organique modifie le premier alinéa de l’article 2 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits pour préciser que celui-ci est une autorité administrative (et non plus constitutionnelle) indépendante qui ne sollicite (au lieu de « ne reçoit ») « dans l’exercice de ses attributions, aucune instruction ».

Les mandats des membres
Les membres des AAI et API exercent un mandat non révocable, renouvelable une fois (sauf remplacement de fin de mandat inférieur à deux ans), d’une durée comprise entre trois et six ans. Par dérogation, le mandat des députés ou des sénateurs membres d’une de ces autorités prend fin avec la cessation de leur mandat de député ou de sénateur.

A noter que les mandats débutés avant l’entrée en vigueur de la présente loi sont pris en compte pour l’application de la possibilité pour un président d’une autorité administrative ou publique indépendante d’être renouvelé.
En cas d’empêchement à exercer les fonctions de membre du collège, le mandat peut être suspendu, pour une durée déterminée, soit à la demande du membre concerné, soit par le collège, à la majorité des trois quarts des autres membres, sur proposition de l’un d’entre eux. Il ne peut être mis fin aux fonctions d’un membre du collège qu’en cas de démission ou sur proposition du président ou d’un tiers des membres du collège, après délibération à bulletin secret hors la présence de l’intéressé, à la majorité des trois quarts des autres membres du collège que l’intéressé, constatant un manquement grave à ses obligations légales ou une incapacité définitive empêchant la poursuite de son mandat. Cette délibération ne peut intervenir qu’après que l’intéressé a été en mesure de produire ses observations dans un délai qui ne peut être inférieur à une semaine. Il est pourvu au remplacement des membres huit jours au moins avant l’expiration de leur mandat ou dans les soixante jours suivant le décès ou la démission volontaire ou d’office d’un membre. A défaut de nomination d’un nouveau membre à l’expiration de ces délais, le collège de l’autorité, convoqué à l’initiative de son président, propose, par délibération, un candidat à l’autorité de nomination, dans un délai de trente jours.

En matière de parité, la proposition de loi ordinaire prévoit un régime dérogatoire pour la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques : le mandat de ses membres nommés au titre d’un renouvellement partiel de l’année 2017 peut être renouvelé une fois ; les membres qui leur succèdent, à l’issue de leur mandat, sont une femme et un homme et sont nommés jusqu’au renouvellement prévu après le 30 avril 2025. Lors du premier renouvellement de la commission suivant le 30 avril 2020, le vice-président du Conseil d’Etat propose une femme ; les premiers présidents de la Cour de cassation et de la Cour des comptes proposent, pour l’une, deux femmes et un homme et, pour l’autre, une femme et deux hommes.

Les régimes d’incompatibilités
A l’exception des députés et sénateurs, le mandat de membre d’une autorité administrative ou publique indépendante est incompatible avec la plupart des fonctions électives : maire, maire d’arrondissement, maire délégué, adjoint au maire, président et vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale, président de conseil départemental, président de la métropole de Lyon, président de conseil régional, président et vice-président d’un syndicat mixte, président du conseil exécutif de Corse, président de l’Assemblée de Corse, président de l’assemblée de Guyane ou de l’assemblée de Martinique, président du conseil exécutif de Martinique, président de l’organe délibérant de toute autre collectivité territoriale créée par la loi, président de l’Assemblée des Français de l’étranger, membre du bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger, vice-président de conseil consulaire, vice-président de l’organe délibérant ou de membre de l’organe exécutif d’une collectivité territoriale susmentionnée, président de conseil territorial, président de l’assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna, président de la Polynésie française, président de l’assemblée de la Polynésie française, président du congrès de Nouvelle-Calédonie, président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, président d’une assemblée de province de Nouvelle-Calédonie.

Il existe en plus des incompatibilités professionnelles : chef d’entreprise, gérant de société, président ou membre d’un organe de gestion, d’administration, de direction ou de surveillance. S’agissant des magistrats de l’ordre judiciaire, administratif ou financier, il est précisé que « lorsque la loi prévoit la présence au sein du collège d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante de membres désignés parmi les magistrats en activité, il ne peut être désigné d’autre membre en activité du même corps, à l’exclusion du président de l’autorité concernée ». Les membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ne peuvent y siéger, pas plus que les membres du Conseil économique, social et environnemental (Cese) sauf à être désigné en cette qualité pour ces derniers.

Surtout, « lorsqu’il est exercé à temps plein, le mandat de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante est incompatible avec l’exercice par les membres de l’autorité d’une activité professionnelle ou d’un emploi public. Le président de l’autorité peut toutefois autoriser l’exercice de travaux scientifiques, littéraires, artistiques ou d’enseignement ».
Ce nouveau régime s’appliquera au mandat des membres nommés ou élus après la promulgation de la présente loi organique. Ils disposeront alors de trente jours à compter de leur nomination ou élection pour mettre fin à une situation d’incompatibilité, sans quoi, le président de l’autorité, ou un tiers au moins des membres du collège lorsque l’incompatibilité concerne le président, les déclareront démissionnaires.

En outre, au sein d’une autorité, le mandat de membre est incompatible avec les fonctions au sein des services et le mandat de membre du collège avec celui de membre d’une commission des sanctions ou de règlement des différends et des sanctions. Enfin, nul ne peut être membre de plusieurs autorités. Seule exception, lorsque la loi prévoit qu’une de ces autorités est représentée au sein d’une autre de ces autorités ou qu’elle en désigne un des membres, elle peut désigner ce représentant ou ce membre parmi ses propres membres.
Ce régime-ci d’incompatibilité entrera en vigueur dès la promulgation de la loi et les personnes concernées par l’un de ces cas devront y mettre fin dans un délai de trente jours.

La déontologie
S’agissant des membres, la proposition de loi ordinaire prévoit qu’ils « exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts ». Ainsi, ils « ne reçoivent ni ne sollicitent d’instruction d’aucune autorité », « ne prennent, à titre personnel, aucune position publique préjudiciable au bon fonctionnement de l’autorité à laquelle ils appartiennent », sont tenus de respecter le secret des délibérations et « font preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont ou ont eu connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ». Ces deux derniers engagements valent aussi pour les anciens membres. Les membres sont également soumis, dans les deux mois suivant la promulgation de cette loi, à une déclaration d’intérêts, mise, de manière permanente, à la disposition des autres membres de l’autorité au sein de laquelle il siège.

Concernant le personnel, il revient à l’autorité administrative o publique indépendante de déterminer dans son règlement intérieur, adopté par le collège sur proposition de son président au plus tard six mois après la promulgation de la loi, les règles déontologiques applicables à ses agents et, le cas échéant, à ses collaborateurs ou experts. Le texte, oublié au « Journal officiel », précise également les règles d’organisation et de fonctionnement de l’autorité.

Le fonctionnement
Toute autorité administrative ou publique indépendante peut saisir pour avis une autre autorité de toute question relevant de la compétence de celle-ci.
Chacune dispose de services placés sous l’autorité de son président, sous réserve des exceptions prévues par la loi pour les services qui sont chargés de l’instruction ou du traitement des procédures de sanction et de règlement des différends. Toute autorité peut ainsi employer des fonctionnaires civils et militaires, des fonctionnaires des assemblées parlementaires et des magistrats placés auprès d’elle dans une position conforme à leur statut et recruter des agents contractuels. Le secrétaire général ou le directeur général est nommé par le président de l’autorité administrative ou publique indépendante.

C’est également ce dernier qui est l’ordonnateur des recettes et des dépenses de l’autorité publique indépendante. Le budget de l’API est donc arrêté par le collège sur proposition de son président. A noter que les biens immobiliers appartenant aux autorités publiques indépendantes sont soumis aux dispositions du code général de la propriété des personnes publiques applicables aux établissements publics de l’Etat.

Le contrôle
Toutes les API et API adressent chaque année, avant le 1er juin, au gouvernement et au Parlement un rapport d’activité, public, rendant compte de l’exercice de ses missions et de ses moyens et comportant « un schéma pluriannuel d’optimisation de ses dépenses qui évalue l’impact prévisionnel sur ses effectifs et sur chaque catégorie de dépenses des mesures de mutualisation de ses services avec les services d’autres autorités administratives indépendantes ou autorités publiques indépendantes ou avec ceux d’un ministère ». A la demande des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, elle peut rendre compte annuellement de son activité devant elles.

L’avis d’une autorité ou publique indépendante sur tout projet de loi est rendu public.

Le gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l’année, un rapport sur la gestion des autorités administratives ou publiques indépendantes. Elle récapitule, par autorité et pour le dernier exercice connu, l’exercice budgétaire en cours d’exécution et l’exercice suivant : le montant constaté ou prévu de leurs dépenses et leur répartition par titres ; le montant constaté ou prévu des produits des impositions de toutes natures, des subventions budgétaires et des autres ressources dont elles bénéficient ; le nombre des emplois rémunérés par ces autorités ou mis à disposition par des tiers ainsi que leur répartition présentée par corps ou par métier et par type de contrat, par catégorie, par position statutaire pour les fonctionnaires ; le loyer, la surface utile brute du parc immobilier de l’autorité ainsi que le rapport entre le nombre de postes de travail et la surface utile nette du parc immobilier ; les rémunérations et avantages du président et des membres de l’autorité. Elle présente également, de façon consolidée pour l’ensemble des autorités, l’ensemble des crédits et des impositions affectées qui leur sont destinés et le total des emplois rémunérés par eux ou mis à leur disposition par des tiers. Enfin, elle comporte une présentation stratégique avec la définition d’objectifs et d’indicateurs de performance, une présentation des actions et une présentation des dépenses et des emplois avec une justification au premier euro, la répartition prévisionnelle des emplois rémunérés par l’autorité et la justification des variations par rapport à la situation existante, une analyse des écarts entre les données prévues et constatées pour les crédits, les ressources et les emplois, ainsi que pour les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et les coûts associés.

Enfin, le titre II de la proposition de loi organique modifie le tableau annexé à la loi organique du 23 juillet 2010, qui liste les fonctions dirigeantes de 46 institutions, organismes, établissements ou entreprise dont les candidats désignés par le président de la République doivent être approuvés par les commissions parlementaires compétentes, conformément au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Les présidences de cinq nouvelles autorités y sont ajoutées : Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), Commission du secret de la défense nationale (CSDN), Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C).

Toutefois six autorités administratives ou publiques indépendantes restent exclues de cette procédure : l’Agence français de lutte contre le dopage (AFLD), l’Autorité de régulation et de distribution de la presse (ARDP), le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen), la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada), la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) et le Médiateur de l’énergie.