Le communiqué au format pdf Paris, le 30 mars 2017 – Dans son avis du 29 mars 2017, l’Arafer livre une analyse détaillée du projet de contrat de performance entre l’Etat et SNCF Réseau et conclut que les objectifs de la réforme ferroviaire adoptée en 2014 ne sont pas satisfaits. Le régulateur souligne l’absence d’engagements crédibles des deux parties contractantes, ce qui prive le secteur ferroviaire d’une indispensable vision de long terme, notamment dans la perspective de la prochaine ouverture du marché domestique à la concurrence.
L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) a été saisie le 21 décembre 2016 du projet de contrat de performance entre l’Etat et SNCF Réseau. D’une durée de 10 ans, ce contrat prévu par la loi de réforme ferroviaire du 4 août 2014, doit traduire les priorités de l’Etat pour la gestion et le développement du réseau et matérialiser les objectifs de productivité, de qualité et de sécurité de SNCF Réseau, dans le respect d’une trajectoire financière visant à enrayer la spirale d’endettement du système ferroviaire.
Dans son avis du 29 mars 2017, l’Arafer déplore l’insuffisante préparation du contrat, malgré plus de deux ans de délai depuis le vote de la loi. L’Autorité relève l’absence d’un retour d’expérience détaillé sur le précédent contrat de performance conclu avec Réseau ferré de France (RFF) en 2008 et le manque d’association des acteurs du secteur, autrement que par le biais de consultations de dernière minute.
Le régulateur formule dans son avis ses observations et ses recommandations pour faire du contrat un véritable levier de performance, avec des engagements et des mécanismes d’incitations efficaces pour l’Etat et pour le gestionnaire d’infrastructure ferroviaire.
Confirmation de la priorité à la maintenance du réseau
L’Arafer salue la réorientation des efforts d’investissement en faveur de la rénovation du réseau ferré, en cohérence avec les conclusions des audits connus, tout en appelant à une clarification des choix sur le périmètre du réseau, dont la question est éludée.
Elle invite par ailleurs l’Etat à préciser ses priorités de développement, dans le respect de la « règle d’or » (1), de manière à offrir à SNCF Réseau une visibilité sur les moyens à mobiliser pour la conduite des projets retenus. Le décret d’application de la « règle d’or » n’est toujours pas publié.
Le manque d’indicateurs de performance limite les possibilités de suivi
L’Arafer constate des carences dans le choix et la définition des indicateurs de performance de SNCF Réseau. Des indicateurs contractuels cruciaux, sur la productivité de l’entretien, la qualité de service des circulations fret et voyageurs ainsi que la qualité de l’infrastructure par axe, ne sont pas définis dans le projet de contrat. Il est donc amputé d’objectifs sur des critères importants pour mesurer la performance du gestionnaire d’infrastructure.
La maîtrise des coûts n’est pas garantie
Le projet de contrat annonce des objectifs de productivité ambitieux (1,2 milliard d’euros par an à terme en 2026), qui semblent cohérents avec le résultat de la comparaison avec les autres gestionnaires d’infrastructure européens à laquelle s’est livrée l’Arafer. Pour autant, SNCF Réseau n’a pas été en mesure de préciser le détail des actions projetées pour concrétiser cet engagement, et fait valoir l’élaboration en cours d’un plan de performance.
L’Arafer s’interroge sur la capacité de SNCF Réseau à accélérer aussi fortement que prévu ses efforts de productivité à partir de 2021 (155 M€ par an entre 2021 et 2026 contre 77 M€ par an sur les quatre premières années du contrat). Cette accélération marquée sur la deuxième partie du contrat, peu étayée par SNCF Réseau, est difficilement crédible.
Les orientations tarifaires doivent être revues
Le projet de contrat prévoit une revalorisation soutenue des péages pour les trains de voyageurs (en moyenne +2,8% par an sur la période 2018-2026). SNCF Réseau met en avant des considérations budgétaires mais n’est pas en mesure de justifier l’incidence sur les trafics des évolutions tarifaires envisagées. A défaut d’une analyse approfondie du marché et compte tenu des fortes incertitudes sur l’évolution du contexte économique, l’Arafer recommande de limiter les augmentations au niveau de l’inflation.
Les mêmes préoccupations budgétaires expliquent la forte augmentation des péages fret (en moyenne +6,7% par an sur la période et environ +9% par an à partir de 2024), de manière à couvrir en 10 ans le « coût direct » (coût directement lié à la circulation d’un train). L’Arafer prend acte du désengagement financier de l’Etat, avec la suppression progressive de la « compensation fret », à l’origine de ces hausses, tout en rappelant l’engagement encore récemment confirmé par le gouvernement en faveur de ce dispositif.
Les réponses apportées démontrent que les conséquences des augmentations des péages ferroviaires sur les trafics n’ont pas été véritablement appréciées. Les orientations tarifaires du projet de contrat semblent exclusivement dictées par des considérations budgétaires, déconnectées des réalités économiques et notamment, d’un contexte marqué par une forte concurrence entre les modes de transport.
Enfin, l’Arafer rappelle la portée de son avis conforme (2) en matière de tarification et précise que le contrat de performance ne peut conduire à déroger aux principes du droit européen et national, notamment, l’exigence de soutenabilité des péages au-delà de la couverture du « coût direct ».
La trajectoire financière est irréaliste
Les prévisions de recettes de péages inscrites dans la trajectoire financière sont exagérément optimistes, en particulier au-delà de 2020. D’une part, elles sous-estiment les conséquences des augmentations de péages prévues sur l’évolution des trafics. D’autre part, elles reposent sur des hypothèses de concours budgétaires de l’Etat qui restent à confirmer : au vu de l’historique, l’augmentation des subventions de plus de 25% prévue sur la période du contrat (+ 500 M€ HT) serait tout à fait exceptionnelle.
Rien ne permet donc d’assurer que l’augmentation de presque 40% de la dette de SNCF Réseau par rapport à aujourd’hui (63 Mds€ prévus en 2026), bien que considérable, soit contenue à ce niveau. Les incertitudes sur la dotation attendue de la SNCF, essentiellement issue des résultats de SNCF Mobilités, ajoutent encore à la fragilité de cet objectif.
A supposer que la trajectoire financière soit respectée, la dette de SNCF Réseau ne serait toujours pas stabilisée à la fin du contrat puisqu’elle continuerait d’augmenter de 400 M€ par an en 2026.
L’objectif d’une couverture des coûts du réseau, tel qu’exigé par la loi, ne pourra pas être satisfait au terme du contrat.
Les engagements sont flous ou insuffisamment contraignants
L’Arafer relève une asymétrie dans les engagements souscrits par les deux parties. L’Etat se borne à « veille[r] à la cohérence et au bon fonctionnement du système ferroviaire national », sans s’engager sur le niveau de son soutien financier, ni préciser sa vision à long terme du transport ferroviaire. A l’inverse, les engagements de SNCF Réseau sont plus nombreux mais ne font pas l’objet de dispositifs d’incitation réellement contraignants.
L’avis formule donc des recommandations, notamment sur la mise en place d’un intéressement des dirigeants ou la publication d’un classement des performances des divisions géographiques de SNCF Réseau.
L’Arafer conclut que le projet de contrat de performance manque les objectifs fixés par le législateur lors de l’adoption de la réforme ferroviaire. Sans changement, ce contrat ne constituera pas une feuille de route engageante permettant d’améliorer les performances du réseau ferré, donner aux opérateurs la visibilité nécessaire à leur modèle économique et assurer le redressement financier de SNCF Réseau.
Le projet de contrat, accompagné de l’avis de l’Arafer, doit désormais être transmis au Parlement.
(1) Cette règle impose à SNCF Réseau de ne pas s’endetter au-delà d’un certain ratio (dette/marge opérationnelle) pour financer de nouveaux projets de développement.
(2) Avis juridiquement contraignant.
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