Paris, le 12 juillet 2022 – L’entrée de nouveaux acteurs sur le marché des services commerciaux constitue un levier majeur de développement et de dynamisation du transport ferroviaire de voyageurs et, partant, de décarbonation du secteur des transports. Or cette entrée est aujourd’hui freinée par le manque d’interopérabilité des réseaux et les difficultés qui en découlent, tout particulièrement pour les nouveaux opérateurs souhaitant exploiter des services à grande vitesse, pour concevoir les architectures de sécurité, à bord de leurs trains, adaptées au système ferroviaire français et en assurer la mise en œuvre dans de bonnes conditions, en vue de l’obtention des autorisations requises pour circuler sur le réseau. Dans ce contexte, l’Autorité publie aujourd’hui une étude sur « Les équipements de sécurité embarqués, à l’heure de l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires de transport sur les lignes à grande vitesse », dans laquelle elle formule 18 recommandations concrètes afin de lever les freins à l’entrée en matière d’accès aux équipements de sécurité embarqués.
LA LEVÉE DES FREINS À L’ENTRÉE SUR LE MARCHÉ CONSTITUE UN LEVIER MAJEUR POUR AUGMENTER LA PART MODALE DU FERROVIAIRE DANS LE TRANSPORT DE VOYAGEURS EN FRANCE ET, PARTANT, CONTRIBUER À LA DÉCARBONATION DU SECTEUR DES TRANSPORTS
Avec une part modale qui « plafonne » à 10 % depuis plusieurs années et un emport moyen des trains, en France, qui est le plus élevé d’Europe, le marché français des services de transport ferroviaire de voyageurs présente un potentiel de développement important, dont la mobilisation contribuerait à la décarbonation du transport de voyageurs.
Or, comme le relève une récente étude de l’Autorité [1], les expériences européennes montrent que l’ouverture à la concurrence constitue un levier majeur de développement et de dynamisation du transport ferroviaire de voyageurs, en ce qu’elle ne se traduit pas par une simple substitution de services opérés jusqu’alors par l’opérateur ferroviaire historique par des services similaires opérés par de nouveaux entrants, mais constitue, au contraire, le vecteur d’un nouveau souffle pour le système ferroviaire dans son ensemble.
Si l’ouverture à la concurrence constitue un levier d’amélioration du système ferroviaire potentiellement puissant, elle ne pourra cependant tenir toutes ses promesses que si les conditions d’un terrain de jeu concurrentiel équitable sont bien posées, ce qui suppose d’identifier et lever les freins, notamment techniques, à l’entrée pour de nouveaux opérateurs. Cet objectif est au cœur de l’action de l’Autorité pour accompagner l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire.
EN RAISON DU MANQUE D’INTEROPÉRABILITÉ DU RÉSEAU FRANÇAIS, LES NOUVEAUX ENTRANTS RENCONTRENT DES DIFFICULTÉS POUR CONCEVOIR DES ARCHITECTURES DE SÉCURITÉ À BORD DE LEURS TRAINS ADAPTÉES AUX CIRCULATIONS SUR LES LIGNES À GRANDE VITESSE, CE QUI FREINE LE DÉVELOPPEMENT DE NOUVEAUX SERVICES
La sécurité et les performances de l’exploitation d’un réseau ferroviaire dépendent, en premier lieu, des systèmes de signalisation et de contrôle-commande. Ces systèmes, qui reposent sur un dialogue entre les trains (équipements embarqués) et l’infrastructure (équipements au sol) permettent (i) de maîtriser les risques en cas d’erreur humaine (fonction « contrôle-commande ») et (ii) d’afficher des informations et des consignes directement dans la cabine de conduite (fonction « signalisation » embarquée, indispensable à grande vitesse).
Historiquement, la plupart des pays européens ont développé et déployé des systèmes spécifiques, adaptés aux contraintes nationales et désignés sous le terme de « systèmes de sécurité de classe B ». Afin de permettre l’émergence d’un système ferroviaire européen pleinement interopérable entre les pays, les institutions européennes ont fixé un objectif de déploiement d’un système européen unifié de gestion du trafic ferroviaire, l’ERTMS [2], désigné sous le terme de « système de sécurité de classe A ».
Le déploiement de l’ERTMS nécessitant des investissements lourds, les systèmes historiques nationaux resteront encore incontournables pendant plusieurs décennies. En particulier, le déploiement de l’ERTMS en France apparaît en retard par rapport aux réseaux ferrés des pays voisins, et sera vraisemblablement très progressif.
Dans ces conditions, la solution transitoire prévue par les textes européens pour assurer l’interopérabilité des réseaux revêt une importance toute particulière. Celle-ci repose sur la mise à disposition de modules de transmission spécifiques [3] ou, à défaut, l’adoption de mesures d’atténuation, visant à faciliter les circulations des trains d’autres opérateurs européens sur des infrastructures équipées des systèmes de sécurité nationaux historiques.
Or cette solution transitoire n’a pas encore été mise en place en France pour les circulations sur les lignes à grande vitesse, si bien que plusieurs nouveaux entrants souhaitant proposer des services commerciaux sur le marché français ont fait part à l’Autorité de leurs difficultés à concevoir des architectures de sécurité embarquées adaptées et à en assurer la mise en œuvre dans de bonnes conditions, en vue de l’obtention des autorisations requises.
L’ÉTUDE PUBLIÉE CE JOUR PAR L’AUTORITÉ POSE UN DIAGNOSTIC PRÉCIS SUR CES DIFFICULTÉS ET FORMULE 18 RECOMMANDATIONS POUR FACILITER L’OUVERTURE DU MARCHÉ FRANÇAIS DE LA GRANDE VITESSE FERROVIAIRE
L’étude publiée ce jour par l’Autorité sur « Les équipements de sécurité embarqués, à l’heure de l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires de transport sur les lignes à grande vitesse », poursuit un double objectif :
- D’une part, elle est destinée à apporter de la transparence et de la lisibilité sur les démarches d’acquisition, d’intégration et d’exploitation des équipements de sécurité embarqués ;
- D’autre part, elle vise à faciliter l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché ferroviaire français en formulant 18 recommandations concrètes aux acteurs du secteur, regroupées autour de 5 recommandations générales.
# | Recommandations générales | Explications |
1 | Confier à une « autorité système » la responsabilité des systèmes de sécurité de classe B en France |
Il apparait nécessaire de désigner une entité responsable des systèmes de sécurité historiques de classe B en France. À court terme, elle serait chargée d’accompagner l’entrée des nouveaux opérateurs et d’assurer une veille au profit de l’ensemble du secteur. À plus long terme, elle devra assurer l’ouverture des systèmes de classe B en France et veiller à ce que les produits disponibles répondent aux enjeux d’interopérabilité et aux besoins des nouveaux entrants. L’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) pourrait idéalement jouer ce rôle. À défaut, ce rôle pourrait être confié au gestionnaire d’infrastructure, SNCF Réseau. |
2 | Mettre en place un cadre transparent pour les nouveaux acteurs, dès la conception des architectures de sécurité |
Il apparaît nécessaire que l’entité responsable des systèmes de sécurité de classe B prenne les mesures permettant d’assurer, en temps utile, l’accès à la documentation indispensable à la conception d’architectures de sécurité embarquées pour circuler sur le réseau ferré national. |
3 | Favoriser l’ouverture des systèmes historiques pour assurer la disponibilité des équipements de sécurité |
En cas de difficultés persistantes, des mesures proactives, de nature à transformer et à ouvrir le marché des équipements de sécurité de classe B en France, pourraient être prises par les pouvoirs publics, en tenant compte des problématiques complexes soulevées par les droits de propriété intellectuelle détenus par les industriels. |
4 | Maintenir l’accès aux savoir-faire et aux compétences nécessaires à la mise en œuvre des équipements de sécurité |
Il apparaît nécessaire de s’assurer que les nouveaux entrants ont accès aux compétences en matière de mise en œuvre des équipements de sécurité historiques français, en partie concentrées aujourd’hui au sein de l’entreprise ferroviaire historique, et de s’assurer, à plus long terme, d’un vivier d’expertise suffisant, indépendant de l’opérateur historique. |
5 | Accélérer le déploiement de l’ERTMS sur le réseau ferré national et assurer la visibilité des acteurs sur le calendrier |
Une bonne visibilité sur le calendrier de déploiement de l’ERTMS et de dépose des systèmes de sécurité de classe B permettrait aux opérateurs d’anticiper l’équipement de leurs matériels roulants, ce qui est particulièrement important pour permettre aux exploitants de liaisons internationales à grande vitesse de planifier leur arrivée sur le marché français et au gestionnaire d’infrastructure de mieux gérer ses actifs. |
Consulter
- Étude sur « Les équipements de sécurité embarqués, à l’heure de l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires de transport sur les lignes à grande vitesse »
- Executive summary of the study in English
- Press release in English
- https://www.autorite-transports.fr/communiques/the-french-transport-regulatory-authority-art-publishes-a-study-on-the-safety-systems-that-trains-must-be-equipped-with-to-operate-on-high-speed-lines-and-makes-recommendations-to-remove-a-major-obs/
À propos de l’Autorité de régulation des transports
Depuis 2010, le secteur ferroviaire français est doté d’une autorité indépendante qui accompagne son ouverture progressive à la concurrence : l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf). La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a élargi les compétences du régulateur aux activités routières – transport par autocar et autoroutes.
Le 15 octobre 2015, l’Araf est devenue l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), avec la mission de contribuer au bon fonctionnement du service public et des activités concurrentielles, au bénéfice des clients des transports ferroviaire et routier.
Compétente pour la régulation des redevances aéroportuaires depuis le 1er octobre 2019, l’Arafer est devenue l’Autorité de régulation des transports (ART) à cette date. Enfin, la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités a étendu les compétences et missions de l’Autorité à l’ouverture des données de mobilité et de billettique, ainsi qu’à la régulation des activités de gestionnaire d’infrastructure et des activités de sûreté exercées par la RATP en Île-de-France.
Ses avis et décisions sont adoptés par un collège composé de cinq [4] membres indépendants choisis pour leurs compétences économiques, juridiques ou techniques dans le domaine des services numériques ou du transport, ou pour leur expertise des sujets de concurrence. Il est présidé depuis août 2016 par Bernard Roman.
[1] https://concurrence-ferroviaire.autorite-transports.fr/
[2] European rail traffic management system.
[3] Un module de transmission spécifique (STM) est une version d’un système de sécurité de classe B (SSCB) bord qui permet un interfaçage normalisé avec l’ERTMS et donc à un matériel roulant équipé de l’ERTMS de circuler sur une infrastructure équipée d’un système de classe B.
[4] La loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités a acté une transformation de la gouvernance du collège de l’Autorité qui passera progressivement à cinq membres permanents (les deux membres vacataires actuels termineront leur mandat et ne seront pas remplacés).