Paris, le 16 novembre 2022 – Le 11 octobre 2022, l’Autorité de régulation des transports (ART) a constaté la publication au Journal officiel de la République française (JORF) du décret n° 2022-1303 du 10 octobre 2022 approuvant le dix-neuvième avenant au contrat de concession conclu entre l’État et la société ASF. Or, l’ART n’a pas été consultée par le Gouvernement sur ce projet d’avenant, préalablement à son approbation par décret, contrairement aux dispositions législatives applicables. Ce seul vice de procédure, préjudiciable aux intérêts des usagers de l’autoroute, est susceptible d’entacher d’illégalité le décret du 10 octobre 2022.
UN AVENANT PORTANT SUR UNE OPÉRATION DE PLUS DE 80 MILLIONS D’EUROS A ÉTÉ APPROUVÉ PAR DÉCRET SANS QUE L’ART AIT ÉTÉ PRÉALABLEMENT CONSULTÉE
Le 11 octobre 2022, l’ART a constaté la publication au JORF du décret n° 2022-1303 du 10 octobre 2022 approuvant le dix-neuvième avenant à la convention passée entre l’État et la société ASF pour la concession de la construction, de l’entretien et de l’exploitation d’autoroutes et au cahier des charges annexé. L’objet de cet avenant est l’élargissement de la bretelle autoroutière A680 de liaison entre les autoroutes A68 et A69, qui constitue un maillon du projet de liaison autoroutière Castres‑Toulouse (LACT) et dont le coût semble supérieur à 80 millions d’euros.
L’avenant prévoit le financement de ces travaux selon une modalité spécifique : à la place d’une augmentation des recettes de péage, le concédant a fait le choix de mobiliser des « indus financiers », c’est-à-dire des montants constitués en cas de retard ou d’abandon de certaines opérations compensées par des recettes de péage.
OR, L’ART DOIT ÊTRE CONSULTÉE SUR TOUS LES PROJETS D’AVENANTS AUX CONTRATS DE CONCESSION QUI ONT UNE INCIDENCE SUR LES TARIFS DE PÉAGE POUR EN APPRÉCIER LA JUSTE NÉGOCIATION
Dans le cadre de sa mission de veiller au bon fonctionnement du régime des tarifs de péage, l’ART doit être consultée pour avis sur toute modification d’un contrat existant dès lors qu’il a une incidence sur les tarifs de péage (ou la durée de la concession).
En effet, des avenants aux contrats de concession sont régulièrement négociés entre l’État‑concédant et les sociétés concessionnaires d’autoroutes pour faire réaliser, par ces dernières, des investissements non prévus au contrat, en contrepartie d’une hausse de péage ou d’un allongement de la durée des concessions.
Constatant que, dans les négociations entre l’État et les SCA, le rapport de force est souvent en faveur de ces dernières, le législateur a souhaité, dans le cadre de la loi « Macron » du 6 août 2015, que l’ART apporte un éclairage objectif et indépendant sur la compensation financière octroyée au concessionnaire.
L’ABSENCE DE CONSULTATION DE L’ART CONSTITUE UN VICE DE PROCÉDURE DE NATURE À ENTACHER D’ILLÉGALITÉ LE DÉCRET APPROUVANT CET AVENANT
Aux termes des dispositions législatives applicables, l’ART aurait dû être consultée préalablement à l’approbation du 19ème avenant au contrat de concession ASF. D’une part, l’avenant a une incidence sur le péage : l’élargissement de l’autoroute A680 n’aurait pu, en l’absence d’« indus » disponibles, être financé sans mobilisation de recettes de péage complémentaires. D’autre part, les motifs qui ont conduit le législateur à souhaiter un contrôle de l’ART restent valables au cas d’espèce : l’ART aurait dû pouvoir s’assurer, en particulier, que l’investissement n’était pas déjà prévu au contrat, et que le concédant avait correctement négocié les coûts.
Par conséquent, l’absence de consultation de l’ART constitue un vice de procédure susceptible d’entacher d’illégalité le décret d’approbation de l’avenant.
SUR LE FOND, IL EXISTE DES DOUTES SÉRIEUX QUANT À LA LÉGALITÉ DE L’AVENANT
Afin de s’assurer de la bonne prise en compte de l’intérêt des usagers de l’autoroute, l’ART aurait dû disposer d’éléments qui, faute de saisine, ne lui ont pas été transmis par le concédant.
L’ART estime toutefois qu’il existe des doutes sérieux quant à la légalité du décret approuvant le 19ème avenant au contrat de concession ASF : outre le fait qu’elle ne dispose d’aucune information lui permettant de garantir que le coût de l’élargissement de la bretelle autoroutière a été correctement estimé et que la rémunération du capital octroyée par le concédant à la société ASF est raisonnable, l’Autorité considère en effet possible, au regard des éléments dont elle a eu connaissance, que cet élargissement soit déjà prévu au contrat et ne doive pas, en conséquence, donner lieu à une nouvelle compensation.
Consulter
- L’avis n° 2022-082 du 15 novembre 2022 relatif au dix-neuvième avenant à la convention passée entre l’État et la société ASF pour la concession de la construction, de l’entretien et de l’exploitation d’autoroutes, approuvée par décret du 7 février 1992 et au cahier des charges annexé à cette convention
- Le communiqué de presse
À propos de l’Autorité de régulation des transports
Depuis 2010, le secteur ferroviaire français est doté d’une autorité indépendante qui accompagne son ouverture progressive à la concurrence : l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf). La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a élargi les compétences du régulateur aux activités routières – transport par autocar et autoroutes.
Le 15 octobre 2015, l’Araf est devenue l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), avec la mission de contribuer au bon fonctionnement du service public et des activités concurrentielles, au bénéfice des clients des transports ferroviaire et routier.
Compétente pour la régulation des redevances aéroportuaires depuis le 1er octobre 2019, l’Arafer est devenue l’Autorité de régulation des transports (ART) à cette date. Enfin, la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités a étendu les compétences et missions de l’Autorité à l’ouverture des données de mobilité et de billettique, ainsi qu’à la régulation des activités de gestionnaire d’infrastructure et des activités de sûreté exercées par la RATP en Île-de-France. Ses avis et décisions sont adoptés par un collège composé de cinq membres indépendants choisis pour leurs compétences économiques, juridiques ou techniques dans le domaine des services numériques ou du transport, ou pour leur expertise des sujets de concurrence. Il est présidé depuis le 4 août 2022 par Philippe Richert, Vice-Président et Président par intérim .