8 fév 2017 – L’Arafer ne valide pas les péages 2018 de SNCF Réseau et ouvre par ailleurs une procédure en manquement suite à l’introduction de modifications touchant au droit d’accès des opérateurs à l’infrastructure ferroviaire

Le communiqué au format pdfChargée de contrôler les règles d’accès au réseau ferré national et de valider la tarification de son utilisation par les opérateurs, l’Arafer a rejeté les péages ferroviaires présentés par SNCF Réseau pour l’horaire de service 2018. Le régulateur relève que le nouveau barème des redevances ne répond pas aux exigences de la réglementation, en particulier européenne, et méconnaît les engagements pris il y a deux ans par le gestionnaire d’infrastructure de réformer sa tarification.

L’Arafer ouvre par ailleurs une procédure en manquement à l’encontre de SNCF Réseau qui modifie les conditions d’accès au réseau ferré dès l’horaire de service 2017, en introduisant de nouvelles « règles du jeu » dont la conformité à la réglementation mérite d’être vérifiée.

Enfin, l’Arafer lève les dernières réserves sur les redevances des entreprises ferroviaires de fret pour l’horaire de service 2017, au vu des justifications apportées par SNCF Réseau sur la couverture des coûts.

Tous les ans, SNCF Réseau publie son document de référence du réseau (DRR), essentiel pour les entreprises ferroviaires (SNCF Mobilités et nouveaux entrants) et les autres candidats à l’accès au réseau ferré (autorités organisatrices de transport, opérateurs de transport combiné) puisqu’il détaille toutes les informations techniques, contractuelles et tarifaires pour faire circuler des trains.

Le DRR est publié un an avant son entrée en vigueur de manière à donner la visibilité nécessaire aux utilisateurs du réseau pour commander des sillons. Les deux avis adoptés le 1er février 2017 par l’Arafer portent donc sur le document applicable pour l’horaire de service 2018, qui démarre en décembre 2017 et exceptionnellement, dans la mesure où SNCF Réseau décide d’appliquer immédiatement de nouvelles dispositions relatives aux conditions d’accès non tarifaires, au DRR modifié pour l’horaire de service en cours.

1 – avis défavorable sur la tarification proposée par SNCF Réseau

A la demande de l’Arafer, SNCF Réseau s’était engagé en 2015 à remettre à plat l’ensemble de sa tarification à l’horizon 2018. Le système actuel de redevances date de 2008 et le niveau des péages aujourd’hui constaté est le fruit d’évolutions successives qui ont obéi à des logiques essentiellement budgétaires et peu prévisibles. Avec pour conséquence, une perte progressive de lisibilité des tarifs pour les opérateurs du secteur.

Les péages acquittés par les opérateurs et les autorités organisatrices de transport auprès de SNCF Réseau représentent environ 5,6 milliards d’euros par an.

La refonte tarifaire demandée par le régulateur est obligatoire pour mettre en conformité le barème des péages avec les règles européennes, qui imposent une tarification au « coût direct », c’est-à-dire au prix permettant de couvrir le coût strictement lié à la circulation d’un train (ce qui n’est pas le cas de la redevance de circulation facturée aux TER et aux trains de fret aujourd’hui). Pour couvrir, au-delà du « coût direct », tout ou partie des coûts fixes du réseau, toute majoration tarifaire doit être justifiée.

En outre, cette refonte est indispensable pour offrir aux entreprises ferroviaires la transparence et la prévisibilité propices à la relance du trafic ferroviaire et au bon usage du réseau.

Quelles sont les principales critiques de l’Arafer ?

  • L’unité de facturation de la redevance de circulation (destinée à couvrir le « coût direct ») retenue par SNCF Réseau est le train-km : elle présente des risques de discrimination entre les entreprises ferroviaires qui paient le même tarif, quel que soit le poids du train qu’elles font circuler. Cette logique tarifaire ne répond pas aux principes de la directive européenne puisqu’elle ne reflète pas fidèlement le coût direct d’utilisation du réseau. L’Arafer préconise une facturation à la tonne-km ou « à la silhouette » (c’est-à-dire par type de trains) comme c’est le cas dans la plupart des pays européens, afin que les redevances acquittées par les entreprises ferroviaires traduisent la réalité des coûts supportés par le gestionnaire du réseau.

Les majorations tarifaires envisagées par SNCF Réseau pour financer les coûts fixes de l’infrastructure (exploitation et maintenance) ne sont pas suffisamment justifiées et leur soutenabilité pour les entreprises ferroviaires n’est pas démontrée. Ce qui risque de nuire au maintien ou au développement des trafics ferroviaires au profit d’autres modes de transport, la route notamment.

Pour les services internationaux de voyageurs (Thello et Eurostar), les augmentations proposées ne sont pas acceptables : SNCF Réseau envisage, par exemple, d’appliquer une hausse des péages de 6% à Eurostar, dont la soutenabilité n’est pas démontrée dans un contexte de forte instabilité marquée par une baisse de fréquentation et de chiffre d’affaires en 2016 et l’intensité de la concurrence intermodale, en particulier aérienne.

Pour les services nationaux de voyageurs non conventionnés (TGV), l’Arafer demande à SNCF Réseau de définir des segments de marché et d’analyser pour chacun de ces segments, la situation économique des opérateurs afin d’apprécier la soutenabilité des majorations tarifaires au regard de la concurrence intermodale.

La tarification des services conventionnés de voyageurs (TET, TER et Transilien), qui relève d’une approche économique différente de celle des services non conventionnés, nécessite également d’être justifiée, pour des raisons qui ne sauraient exclusivement reposer sur l’objectif de conserver un même niveau de recettes à SNCF Réseau.

En conclusion, l’absence ou l’insuffisance des justifications apportées par SNCF Réseau à l’appui de ses propositions tarifaires conduisent l’Arafer à émettre un avis défavorable sur l’ensemble des redevances pour l’horaire de service 2018 (1). Le régulateur demande à SNCF Réseau de mener à bien une réforme de sa tarification dûment conçue pour répondre à ses demandes et concertée avec les acteurs concernés, dans l’esprit de ses engagements confirmés à plusieurs reprises depuis deux ans.

(1) hors redevances particulières.

Bernard Roman, président de l'Arafer
« La réforme de la tarification de l’infrastructure ferroviaire est indispensable pour apporter plus de transparence sur le fondement économique des majorations tarifaires, offrir une lisibilité pluriannuelle aux opérateurs, rétablir des signaux économiques favorables au maintien et au développement des trafics, et enfin, pour préparer l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs ». Audition au Sénat le 26 janvier 2017

 

2 – Des réserves sur les nouvelles conditions d’accès au réseau ferré

Pour la première fois depuis que l’Arafer s’exprime sur les conditions techniques et contractuelles d’accès au réseau (son premier avis sur le DRR remonte à 2011), des modifications importantes sont introduites dès le début de l’horaire de service 2017 par SNCF Réseau et, de surcroît, soulèvent des interrogations sur leur conformité au regard du droit d’accès des entreprises au réseau ferroviaire :

Demandes de modification de sillons par les opérateurs

Afin de limiter le nombre de modifications des sillons par les entreprises ferroviaires lorsqu’elles adaptent leur plan de transport, SNCF Réseau introduit de nouvelles règles pour les obliger à anticiper leurs demandes. Le gestionnaire d’infrastructure peut maintenant déclarer certaines demandes irrecevables ou imposer des délais aux entreprises.

Or, en phase de commande initiale de sillons (au moins 8 mois avant les circulations effectives), les entreprises ferroviaires, notamment de fret, ne connaissent pas exactement leurs besoins et leur plan de transport. Il est donc normal qu’elles puissent modifier leurs demandes de sillons.

Pénalités financières

SNCF Réseau prévoit de facturer des frais de dossier, au-delà d’un certain nombre de demandes de modifications. Ces nouvelles règles d’accès au réseau ferré introduites par le gestionnaire d’infrastructure dès le début de l’horaire de service 2017 seraient susceptibles de modifier la portée du mécanisme « d’incitations financières réciproques »(2) mis en place depuis 2015, après concertation, sur injonction de l’Arafer et homologué par l’Etat pour l’année 2017.

Dans le prolongement de son avis, l’Arafer prévoit de lancer un audit pour comprendre les raisons qui motivent les demandes multiples de modifications des sillons par les entreprises ferroviaires, et apporter un constat objectif qui puisse être partagé entre SNCF Réseau et les opérateurs.

(2) L’objectif de ce dispositif est de lutter contre les réservations abusives de sillons par les entreprises ferroviaires et les modifications de sillons par SNCF Réseau pour cause de travaux. Et in fine, d’inciter tous les acteurs du marché à adopter des pratiques plus vertueuses d’usage du réseau pour en améliorer la performance.

 

3 – Ouverture d’une procédure en manquement à l’encontre de SNCF Réseau

A l’examen du DRR 2017 modifié et du DRR 2018, l’Arafer s’interroge sur la validité de certaines règles introduites par SNCF Réseau et décide d’ouvrir une procédure en manquement à l’encontre du gestionnaire d’infrastructure pour procéder à l’instruction des questions soulevées.

Sans préjudice de la possibilité pour SNCF Réseau de corriger le DRR conformément aux remarques de l’Arafer, si au terme de l’instruction, le collège de l’Autorité conclut à un manquement du gestionnaire d’infrastructure à ses obligations au titre de l’accès au réseau, il pourra le mettre en demeure de s’y conformer et, en l’absence de suite donnée, saisir la commission des sanctions.

Cette dernière pourra prononcer, en fonction de la nature et de la gravité du manquement, une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu’à 3% du chiffre d’affaires de SNCF Réseau.

 

4 – Levée des réserves sur la tarification 2017 des redevances fret

Dans un avis du 10 février 2016, l’Arafer avait relevé que les redevances proposées pour le fret en 2017 reposaient, une nouvelle fois, sur l’hypothèse d’un engagement financier de l’Etat qui n’avait pas été confirmé. Le régulateur avait par conséquent émis une réserve tenant à la justification de la couverture du « coût direct », à l’appui d’un engagement dûment formalisé de l’Etat.

SNCF Réseau a rendu compte du versement de 90 millions d’euros effectué en 2016 par l’Etat et de la prévision inscrite au budget 2017 (86,4 millions d’euros) pour couvrir le « coût direct ». En outre, le projet de contrat de performance entre l’Etat et SNCF Réseau, en cours d’examen par l’Arafer, prévoit bien le principe d’un ajustement de la subvention de l’Etat pour assurer l’équilibre entre les recettes et les coûts du fret.

L’ensemble des éléments apportés a conduit le régulateur à lever la réserve relative à la tarification des activités fret, qui entre donc pleinement en vigueur pour l’horaire de service 2017.

 

Contact : Nathalie Arensonas, communication et relations presse Mobile : 06 72 03 31 27 presse@arafer.fr