Forte d’un bilan qui a démontré l’efficacité de son action, l’Autorité de régulation des transports formule des propositions pour l’avenir du secteur autoroutier concédé, moins de dix ans avant l’arrivée à échéance des premiers contrats historiques

Autoroutes
Actualité publiée le 26 janvier 2023
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Forte d’un bilan qui a démontré l’efficacité de son action, l’Autorité de régulation des transports formule des propositions pour l’avenir du secteur autoroutier concédé, moins de dix ans avant l’arrivée à échéance des premiers contrats historiques

Alors qu’entre 2031 et 2036, les sept principales concessions autoroutières, soit plus de 90 % du réseau concédé, arriveront à leur terme, l’Autorité de régulation des transports (ART) publie son deuxième rapport sur l’économie générale des concessions afin de contribuer à la réflexion sur l’avenir du secteur autoroutier. L’ART présente dans ce rapport un bilan de la régulation actuelle, analyse la rentabilité des concessions et ouvre des pistes de réflexion pour poser les bases du modèle autoroutier de demain. Elle appelle en particulier à réduire la durée des contrats et, dans l’hypothèse où des contrats courts ne pourraient être envisagés, recommande d’encadrer plus strictement leur renégociation.

DEPUIS SA MISE EN PLACE, LA RÉGULATION DES AUTOROUTES A DÉMONTRÉ SON EFFICACITÉ

En 2015, constatant un déséquilibre des relations entre le concédant (l’État) et les concessionnaires d’autoroute, le législateur a confié à l’ART une mission de régulation du secteur. Ainsi, depuis sa prise de compétence au 1er février 2016, l’ART a notamment rendu 17 avis sur des modifications de contrats de concession visant principalement à financer des investissements sur le réseau autoroutier concédé.

En éclairant le concédant, les avis rendus par l’ART ont permis de réduire les péages de plus de 300 millions d’euros. Pour l’essentiel, cette économie s’est faite sans renoncer aux investissements envisagés, au travers d’une révision des paramètres économiques et financiers des avenants ou l’abandon d’opérations déjà prévues dans les contrats existants.

La prise en compte des recommandations de l’ART pourrait toutefois être améliorée, au bénéfice des usagers du réseau autoroutier concédé. Il ressort en effet du bilan de l’action du régulateur que celles remettant en cause le bien-fondé ou les conditions du financement par le péage des aménagements envisagés sont peu suivies d’effets par le concédant. Or l’approche technico-économique du régulateur, par exemple, peut contribuer à opérer des choix d’investissement plus éclairés.

LE SUIVI DU TAUX DE RENTABILITÉ INTERNE DES CONCESSIONS MENÉ PAR L’ART PERMET DE CHIFFRER L’IMPACT DE CERTAINS CHOIX CONTRACTUELS ET, PARTANT, D’IDENTIFIER DES PISTES D’AMÉLIORATION POUR L’AVENIR

Depuis 2017, l’ART suit l’évolution de la rentabilité des concessions en mesurant leur taux de rentabilité interne (TRI), c’est-à-dire la rémunération des apporteurs de capitaux (actionnaires et créanciers) incorporée dans le péage.

Si, sur la période 2017-2021, le TRI des sociétés concessionnaires d’autoroute (SCA) a baissé, cette diminution est restée très modérée, malgré les effets de la crise sanitaire, qui s’est accompagnée d’une baisse de 22 % des trafics autoroutiers en 2020. En effet, compte tenu de la durée des concessions, même des évolutions massives de dépenses et de recettes ne modifient pas substantiellement le TRI, tant qu’elles restent conjoncturelles.

Analyser l’évolution de la rentabilité des concessions permet aussi d’identifier des pistes pour mieux concevoir les contrats de concession à l’avenir. Par exemple, l’exercice révèle que l’indexation de la taxe d’aménagement du territoire devrait impliquer, dans le cas des SCA historiques, des charges supplémentaires cumulées de 882 millions d’euros courants. Si le montant est indéniablement important, la rentabilité des concessions historiques n’est que marginalement affectée par cette évolution de la fiscalité spécifique, avec une réduction de 0,02 point de pourcentage du TRI. L’impact est aussi faible, comparativement, à celui d’autres évolutions, en sens inverse, de la fiscalité générale. Par exemple, la réduction progressive, de 2018 à 2022, de l’impôt sur les sociétés a entraîné, pour les SCA historiques, un gain de 7,9 milliards d’euros, correspondant à un accroissement du TRI dans des proportions dix fois supérieures.

LA PROCHAINE DÉCENNIE SERA DÉCISIVE POUR L’AVENIR DU RÉSEAU AUTOROUTIER CONCÉDÉ : AUSSI EST-IL NÉCESSAIRE DE PRÉPARER DÈS À PRÉSENT LA FIN DES CONCESSIONS HISTORIQUES

Entre 2031 et 2036, les sept principales concessions, soit plus de 90 % du réseau concédé, arriveront à leur terme, offrant une opportunité historique de repenser le modèle actuel.

Les chantiers à mener étant nombreux, ils doivent donc être lancés sans tarder.

D’une part, il est essentiel que les contrats s’achèvent dans les meilleures conditions : il faut, entre autres, s’assurer que l’ensemble des investissements qu’ils prévoient seront bien réalisés et veiller à ce que l’infrastructure soit rendue en « bon état ».

D’autre part, il faut lancer au plus vite la réflexion sur les futures modalités de gestion de l’infrastructure autoroutière : le choix du modèle d’exploitation, l’éventuel redécoupage géographique du réseau autoroutier, la délimitation des nouveaux investissements à réaliser – notamment en lien avec les enjeux climatiques –, la fixation de la durée des éventuels nouveaux contrats et des conditions de leur attribution, sont autant de questions auquel il faudra pouvoir répondre rapidement.

SI LE MODÈLE CONCESSIF PRÉSENTE DES AVANTAGES, IL DEVRA ÊTRE ADAPTE POUR REEQUILIBRER LES NÉGOCIATIONS ENTRE LE CONCÉDANT ET LE CONCESSIONNAIRE

Le modèle concessif présente des avantages certains, tel que celui de faire porter les coûts de l’infrastructure par les usagers. Cette logique d’usager-payeur est vertueuse : d’une part, elle sécurise les financements nécessaires à l’entretien de l’infrastructure et au maintien d’un haut niveau de qualité de service, d’autre part, elle rationalise les choix d’investissements, ceux-ci étant encadrés par l’intérêt qu’ils présentent pour les usagers et la propension à payer de ces derniers.

Néanmoins, dans sa déclinaison actuelle, ce modèle présente aussi des faiblesses. Il est en effet caractérisé par des contrats longs, du fait d’investissements initiaux importants, mais aussi de multiples prolongements, ce qui confère une position incontournable aux acteurs en place et engendre des négociations souvent déséquilibrées au profit des concessionnaires.

L’ART ouvre plusieurs pistes pour remédier à ces limites. Elle appelle tout d’abord à réduire la durée des contrats à l’avenir. Dans l’hypothèse où des contrats courts ne pourraient être envisagés, elle recommande ensuite d’encadrer plus strictement leur renégociation, en s’appuyant sur l’expertise et l’expérience qu’elle a accumulées depuis 2016.

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