Réforme ferroviaire : l’Araf analyse les premiers décrets d’application

La réforme du 4 août 2014 a créé un pôle public ferroviaire unifié composé de trois établissements publics industriels et commerciaux : l’Epic de tête SNCF, le gestionnaire d’infrastructure SNCF Réseau et l’exploitant ferroviaire SNCF Mobilités.

Les premiers décrets de la réforme ferroviaire publiés en février 2015, l’Araf qui avait été consultée sur les missions et statuts de ces trois Epic, a mené une analyse comparée entre les avis rendus par son collège et les textes définitifs. Quelles en sont les principales conclusions ?

  • Le rôle de l’Epic de tête SNCF dans la trajectoire financière du gestionnaire d’infrastructure et de SNCF Mobilités a été limité, et l’Araf s’en félicite. Ce contrôle relève des contrats entre l’Etat et les deux opérateurs.
  • Si la loi octroie à l’Araf les moyens juridiques de suivre l’exécution du budget de SNCF Réseau et les comptes de l’année écoulée, l’Autorité souhaite être davantage consultée sur le financement du réseau ferré, notamment en vue du contrat Etat-SNCF Réseau qui doit être signé en juillet 2015.
  • Toujours des risques d’immixtion de SNCF dans les activités du gestionnaire d’infrastructure : comme elle l’avait souligné dans ses avis négatifs fin novembre 2014 l’Araf estime que l’indépendance de SNCF Réseau reste insuffisante. Les recommandations du régulateur visant à étendre les garanties matérielles d’indépendance à l’ensemble des services de SNCF Réseau, de préciser les modalités de sécurité des systèmes d’information, de prévoir une séparation géographique des locaux de SNCF Réseau et Mobilités, n’ont pas été suivies (1). « Notre objectif est de faire en sorte qu’il y ait une indépendance de SNCF Réseau par rapport à SNCF Mobilités et d’éviter tout risque d’immixtion de l’opérateur dans le réseau », commente Pierre Cardo, président de l’Autorité.
  • Les gares de voyageurs : les recommandations du régulateur visant à éviter les conflits d’intérêt entre la gestion des gares et l’opérateur SNCF Mobilités, n’ont pas été suivies. Le risque, c’est le manque de neutralité du gestionnaire des gares lorsqu’il devra répondre aux demandes des futures entreprises ferroviaires concurrentes. L’Autorité demandait que la responsabilité des gares soit transférée au directeur des gares, nommé par le ministre des Transports et non pas par le conseil d’administration de SNCF Mobilités. C’est lui qui aurait eu le pouvoir de fixer le tarifs des services en gares. Cette proposition a été écartée. L’Araf pourra toutefois rendre un avis consultatif sur la nomination du directeur des gares, ce que salue Pierre Cardo.
  • Les missions transversales de SNCF (gestion de crise, sûreté, audits techniques, orientations technologiques) : dans son avis, l’Araf demandait une liste limitative des missions transversales afin que SNCF n’exerce pas celles qui relèvent du gestionnaire d’infrastructure, de l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) ou de l’Agence européenne de sécurité. Le régulateur estime que certaines de ces missions restent peu définies dans les décrets. Le risque est de voir s’élever des barrières à l’entrée pour les entreprises ferroviaires.
  • Les fonctions mutualisées (systèmes d’informations, politique immobilière et foncière, expertise juridique) : elles ne pourront être exercées par SNCF que sur demande du gestionnaire d’infrastructure dans le cadre d’une convention, ce qui assure une plus grande autonomie au gestionnaire d’infrastructure, estime l’Araf. En revanche, l’Autorité déplore un manque de transparence sur la tarification de ces fonctions mutualisées: le décret ne va pas au-delà de la notion de « bénéfice raisonnable » pour établir ces tarifs.
  • La gouvernance de l’Epic de tête : le directoire est composé d’un président (également président de SNCF Mobilités) et d’un président délégué (également président de SNCF Réseau) : en cas désaccord, le président délégué ne pourra pas saisir le président du conseil de surveillance, contrairement à ce qu’avait suggéré l’Araf. « Le président de SNCF Réseau devra justifier la tarification de l’infrastructure ferroviaire auprès du régulateur, mais aussi devant le président du directoire, qui dirige par ailleurs SNCF Mobilités et ne voudra pas voir les pages trop augmenter, commente Pierre Cardo. C’est la quadrature du cercle ».
(1) SNCF Réseau va d’ailleurs déménager fin 2015 à Saint-Denis, près du siège de SNCF et de SNCF Mobilités.